Miso Soup de Ryu Murakami

...Rencontre avec un tueur...

Kenji, à peine sorti du lycée, propose ses services en accompagnant des touristes Américains dans les quartiers chauds.
Il démarche ses clients au moyen de petites annonces passées dans le Tokyo Pink Guide, journal gratuit tokyoïte au nom évocateur , afin de les guider dans Kabukichô, la nuit quand le quartier s’échauffe et se pervertit...
Les gaijin se ressemblent tous... gras, blancs, plutôt gentils et paumés comme des Japonais. Leurs goûts sont simples, ils sont prévisibles. Bref, le jeune homme se demande pourquoi ses compatriotes ont tellement de mal à comprendre les étrangers. Jusqu’au jour où il rencontre Frank.

La rencontre avec son nouveau client américain déstabilisera Kenji et le changera à jamais.

« Franck » n’est pas un touriste lambda, en quête de frissons, c’est un énigmatique voyageur du crime qui se dit importateur de pièces détachées pour Toyota (plutôt ironique). Il est  venu au Japon pour goûter à la soupe Miso dont les Japonais se régalent quotidiennement. Il souhaite en effet savoir « quel genre de peuple pouvait boire une soupe pareille tous les jours… »
Au début, tout est simple : Frank veut faire des rencontres avec les prostituées du quartier. Mais bientôt il manifeste un comportement assez imprévisible, aux confins de la perversité.
Il pose des questions étonnantes , amorales et glaciales :
"Partout dans le monde, c’est pareil, non, je veux dire, n’y a-t-il vraiment personne au monde qui ait plutôt envie de caresser la joue d’un clochard, et d’assassiner un bébé ?"

Légitimement inquiet, Kenji apprend que des meurtres immondes ont eu lieu dans le quartier. Au fait, où loge vraiment Frank, et qui est-il? De bar à hôtesses en karaoké, de branlodrome en terrain de base-ball, le jeune Japonais découvrira la personnalité de son client.
Face à ce personnage ambigu, Kenji fait le lien entre lui et les terribles meurtres que les journaux relatent. Il en est certain : ce client qu’il promène en ces lieux sordides est un tueur sanguinaire, un chasseur sans scrupules qui s"amuse à charcuter les corps . Mais une peur viscérale l'habite car sa vie est en jeu ; mais aussi celle de Jun, sa petite amie, dont Franck connaît l’existence.
Il devient alors la victime du jeu du chat et de la souris instauré par Franck.

Ce roman glacé n'est pas un polar au sens strict du terme mais une étude sociologique d'un Japon victime de démesure technologique, de surconsommation, où les traditions familiales ne peuvent qu’abdiquer, face à cette nouvelle génération sans âme et dépourvue d’idéal. Il dénonce ainsi cette masse impersonnelle ployant sous le poids des richesses capitalistes et  accablée par sa propre solitude.
D'ailleurs La prostitution n’a pas de but : les lycéennes japonaises qui s’y adonnent n’ont pas de besoin matériel.

Kenji est certes le narrateur du récit et guide de surcroît, mais il est pareil à une marionnette . Le récit s’entremêle de ses nombreuses descriptions, de ses introspections angoissées, de ses analyses lucides, de ses dialogues avec Franck et sa petite amie. Il ne semble que spectateur, ce qui désoriente d’autant plus le lecteur.

Mais les massacres sanguinolents que Franck perpétue rappelle la déshumanisation d'une société spectatrice ( d'ailleurs aussi bien japonaise qu'américaine). La violence est noyée dans l’indifférence générale, ici symbolisé par Kenji, qui -au-delà d’un instinct de survie évident - se fait hypnotiser, anesthésié par son bourreau, à l’instar de toutes ses victimes.

Un roman dur à l' écriture parfois indigeste mais un roman culte, l'American Psycho Japonais.

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