Un dernier verre avant la guerre de Dennis Lehane


Amis depuis l'enfance, Patrick Kenzie et Angela Gennaro sont détectives privés.Tous deux nés dans le quartier de Dorchester à Boston , ils ont grandi ensemble. Ils ont installé leur bureau dans le clocher d'une église Bostonnienne et enchaîne enquêtes, déboires sentimentaux et dettes.
Jusqu'au jour ou deux membres influents du sénat vont les engager pour une mission apparemment simple : retrouver une femme de ménage noire qui a disparu en emportant des documents confidentiels.
Rien de bien exceptionnel en apparence, les deux détectives retrouvent facilement sa trace .
Mais une fois la femme retrouvée, les deux detectives ont envie d’en savoir plus sur les documents que Jenna avoue avoir effectivement volés. C’est qu’elle les a volés au sénateur qui les tenait de son ex-mari, Marion Socia, chef de gang qui met la ville à feu et à sang dans sa guerre ouverte contre l’autre gang, celui de son fils Jerome. Et au milieu de tout ça, Jenna Angeline et ses photos, Jenna Angeline, la femme de ménage noire qui se fait assassiner sous leurs yeux.
Commence alors la véritable enquête sous fond de pouvoir , corruption et mafia.



Premier de la série qui voit apparaitre le duo de detective Kenzie et Gennaro, ce roman de Lehanne, moins difficile d’accès qu'un "Mystic River" ou d'un Shutter Island ( Magistral Scorcese au cinéma), nous offre au rythme d’une intrigue noire et sanglante un beau duo de personnage sachant manier humour et arme à feu ; comme dans ses autres romans l’aspect psychologique est trés présent et la peinture sociale est d’une grande authenticité.
Patrick Kenzie et Angela Gennaro est un duo aussi séduisant que meurtri. La qualité première de ces personnages est leur ancrage dans une réalité sociale palpable. Loin des héros de thrillers et des détectives cocasses de romans policiers, Pat et Angie s'intéressent aux secrets des autres pour oublier leurs propres cicatrices, maniant un humour à la fois irrésistible et désabusé, dernier rempart pour échapper à leurs démons, à la folie, à la mort. Lehane entoure ses protagonistes de personnages tantôt attachants, tantôt détestables, jouant sur les apparences trompeuses et les clichés du genre. Il développe également une richesse thématique poignante, de l'enfance traumatisée à la cohabitation raciale, fondement même de la société américaine.

Les lieux aussi offrent une atmosphère glauque et électrique ; Le Boston de Lehane peut vraiment rivaliser avec le Los Angeles d'Ellroy.
Ah, Boston! Son histoire, son architecture, sa culture, ses universités, ses écrivains (Nathaniel Hawthorne, Henry James, Edgar Allan Poe, entre autres) et... sa guerre des gangs! Oubliez toutes les images de carte postale que vous avez de cette ville. Dennis Lehane utilise sa cité natale au fil de ses romans comme décor à ses héros torturés. Dès ce premier roman, Un dernier verre avant la guerre, l'auteur fait de la capitale de la Nouvelle-Angleterre un personnage à part entière, une entité tantôt grouillante, tantôt désertique, qui recèle les secrets d'une Amérique bien propre et enfouit ce qui s'écrit au dos de la carte postale. On verra passer Boston, dans ce thriller, de l'aspect newyorkesque du downtown commercial empli de monde au décor post-apocalyptique des quartiers abandonnés, une ville où le soleil ne s'arrête jamais vraiment et où la pluie ne nettoie plus grand-chose.

On y découvre aussi ses milieux interlopes, des politiques corrompus aux méfaits racistes.Dennis Lehane dresse un constat accablant sur le racisme, les préjugés de toutes les communautés, la misère sociale et tout ce qu'elle peut entraîner. C'est autant un roman policier qu'un roman social. Cela fait penser à un autre écrivain américain George Pelecanos qui décrit aussi très précisément et justement les tensions raciales.

Si ce titre est bien le premier de la série, on a quand même l’impression de les prendre en route ces deux-là tellement ils sont installés, tellement ils ont déjà une histoire chargée derrière eux. C’est comme si on prenait le train en marche, en retrouvant des gens connus. Car ce Patrick Kenzie a un air de déjà-vu, héritier de toute la tradition hard boiled américaine, même s’il ne fume pas et n’est pas marié avec la bouteille ( rare pour le personnage principal du flic). Il a l’humour à froid et le don de la répartie et de la comparaison qui fait sourire :
« Il était devant quand nous sommes arrivés dans la rue, il mâchait une boulette de chewing-gum de la taille d’un poulet et faisait des bulles assez grosses pour repousser les passants au bord du trottoir.«

Mais il est surtout très abimé par la vie, par sa relation avec son père dont on lui parle toujours comme d’un exemple alors que c’était le dernier des salauds. Apparences, choses cachées, vies publiques… c’est dans ces eaux très troubles que Kenzie et Gennaro vont évoluer et dévoiler la face pourrie des politiciens, on s’en doutait.
Une intrigue qui démarre somme toute assez simplement avant de se complexifier. Lehane est un conteur hors-pair : les personnages, et les relations qu'ils entretiennent entre eux sont authentiques.
À la perfection d'intrigues particulièrement noires qui reflètent la dureté d'une grande ville américaine aujourd'hui, Lehane oppose souvent la légèreté d'un style d'écriture très ironique.
A découvrir ou à relire sans modération

L' homme du Lac d' Arnaldur Indridason

En commençant à se vider suite à un tremblement de terre, le lac de Kleifarvatn a découvert un squelette qui reposait jusque là par 4 mètres de fond et lesté par un vieil émetteur de radio d'origine soviétique. La police soupçonne que l'assassinat remonte à l'époque de la guerre froide et imagine que la victime avait pu être impliquée dans une affaire d'espionnage. C'est l'inspecteur Erlendur qui mènera l'enquête. Lui qui s'intéresse aux disparitions non élucidées de la fin des années 60, s'acharnant sur des détails qui paraissent anodins à ses collaborateurs, comme la perte de l'enjoliveur d'une Ford falcon noire en 1968 qu'il cherchera dans toute la campagne Islandaise.

Dans les années 50 des étudiants islandais membres du parti communiste obtiennent des bourses de la RDA pour poursuivre leurs études à l'université de Leipzig. Sur place ils découvrent la réalité du "paradis communiste". Certains se voilent la face ou s'accomodent du décalage entre la théorie et la pratique, d'autres s'imaginent qu'ils peuvent manifester leur opposition. Mieux aurait valu pour eux ne pas quitter leur pays et conserver leurs ilusions. "Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru" dit Erlendur.
On suit ici le récit de Tomas, l'islandais, LLona la Tchèque ou Lothar, l'allemand , tous victimes de leur illusions.


Arnaldur Indridason est un auteur de polars givrés fort bien menés.À l'instar d'un Jo Nesbo pour la Norvège ou d'un Stieg Larsson pour la Suède, Arnaldur Indridason a contribué à rendre plus familier un pays de lacs et de sapins, réputé étrange pour ses fameux geysers imprévisibles et éminemment exotique pour ses tartines de mouton fumé et pour ses volcans qui nous enfume ( Certains d'entre vous n'y auront vu qu'une simple coincidence ...n'est ce pas ?) . Il nous y emmène sur les traces d'un héros récurrent, le commissaire Erlendur, flic laconique et entêté, que l'on retrouve avec plaisir chaque livre passant. Erlendur est une sorte d'inspecteur de la dernière chance, celui qui se passionne pour les affaires non résolues, le seul qui fasse preuve de compassion pour les victimes longtemps après qu'elles ont disparu et l'un des rares policiers qui trouvent légitime l'obstination des familles à vouloir savoir.

Polar psychologique, efficace à sa manière, car Erlendur se retrouve encore une fois à la tête d'une enquête qui n'est pas sans le marquer, l'emmener dans ses souvenirs ou à faire des parallèlles avec sa vie d'hier et d'aujourd'hui.Voilà encore un excellent épisode des enquêtes d'Erlendur qui nous entraîne cette fois jusque dans une salle d'interrogation de la stasi. L'histoire des malheureuses victimes de l'idéologie communiste est passionante et pathétique.

Pour moi c'est aussi les retrouvailles avec tous les personnages récurrents et leur évolution, même si ce qui domine est plutôt de l'ordre de la désespérance, si l'on excepte l'arrivée du fils d'Erlendur et la progression de sa relation avec Valgerdur.
La galerie de personnages que nous offre Arnaldur Indridason et qui gravitent autour du commissaire Sveinsson est juste.
Il y a sa fille, junkie entrée en cure de désintoxication qui a, avec son père, une relation des plus tumultueuses ... le fils du commissaire est aussi un cas dans son genre, venant et disparaissant au fil des pages sans que l'on comprenne bien ce qui cloche chez lui ... il y a Valgerdur, la petite amie de Sveinsson qui ne semble pas avoir l'intention de quitter son mari ...
Et puis il y a les collègues du commissaire ... Elingborg qui prépare un livre de recettes de cuisine ou Sigurdur Oli qui reçoit des coups de fil tardifs d'un homme dépressif et suicidaire.Et Marion Briem, ancienne commissaire,mentor d'Erlendur qui adore regarder les westerns mais qui se meure d'un cancer…


Comme dans "la femme en vert", le récit se découpe en deux parties, l'une au présent, l'une quarante ans auparavant. Une ambiance pesante, des secrets datant de la guerre froide, des âmes torturées, et la découverte d'un squelette sur fond d'histoire est-allemande aux pires heures de la Stasi et de la délation...Indridasson y cultive plus que jamais son rythme envoûtant qui fait de lui un auteur si attractif.

L'intrigue est construite suivant le procédé employé dans chacun des précédents romans, par alternance entre la vie d'Erlendur, de sa famille et de ses coéquipiers et celle du personnage lié au meurtre que l'on vient de mettre à jour.
L'aspect historique et politique du problème est accrochant.Le roman s'écoule grace à une alternance de chapitres entre la lente et laborieuse enquête d'Erlendur et ses acolytes autour du squelette remonté du lac ficelé à un vieux poste radio et ce qui s'est passé à Leipzig en ce temps là, au temps où la Stasi régnait sur les consciences.
Car ce qui intéresse Indridason ce n'est jamais le côté criminel du polar, ce sont «les gens», leurs pensées, leurs rapports aux uns et aux autres, leurs rêves ... et leurs cauchemars aussi.

Le Crime de Lord Arthur Saville d'Oscar Wilde


On ne présentes plus Oscar Wilde ,poète, écrivain, dramaturge de l’époque victorienne, qui mérite de figurer et au Panthéon des hommes de lettres et à celui des dandys sulfureux et insolents, et quelque peu cyniques.
La richesse de son legs artistique prouve qu'avec Le portrait de Dorian Gray il , s'essaya aussi au roman policier...plus romantique que policier , certes mais à la fin du 19eme siècle  tout y est emprunt.

En 1884 il écrira beaucoup et surtout des nouvelles dont Le crime de Lord Saville.
Petit cadeau et publication du premier chapitre sur Regard Noir...




Le Crime de Lord Arthur Savile
Wilde, Oscar
(Translator: Albert Savine)

Chapitre 1


C’était la dernière réception de lady Windermere, avant le printemps.
Bentinck House était, plus que d’habitude, encombré d’une foule de
visiteurs.
Six membres du cabinet étaient venus directement après l’audience du
speaker, avec tous leurs crachats et leurs grands cordons.
Toutes les jolies femmes portaient leurs costumes les plus élégants et,
au bout de la galerie de tableaux, se tenait la princesse Sophie de
Carlsrühe, une grosse dame au type tartare, avec de petits yeux noirs et
de merveilleuses émeraudes, parlant d’une voix suraiguë un mauvais
français et riant sans nulle retenue de tout ce qu’on lui disait.

Certes, il y avait là un singulier mélange de société : de superbes pairesses
bavardaient courtoisement avec de violents radicaux. Des prédicateurs
populaires se frottaient les coudes avec de célèbres sceptiques.
Toute une volée d’évêques suivait, comme à la piste, une forte prima donna,
de salon en salon. Sur l’escalier se groupaient quelques membres de
l’Académie royale, déguisés en artistes, et l’on a dit que la salle à manger
était un moment absolument bourrée de génies.
Bref, c’était une des meilleures soirées de lady Windermere et la princesse
y resta jusqu'à près de onze heures et demie passées.

Sitôt après son départ, lady Windermere retourna dans la galerie de
tableaux où un fameux économiste exposait, d’un air solennel, la théorie
scientifique de la musique à un virtuose hongrois écumant de rage.
Elle se mit à causer avec la duchesse de Paisley.
Elle paraissait merveilleusement belle, avec son opulente gorge d’un
blanc ivoirien, ses grands yeux bleu de myosotis et les lourdes boucles
de ses cheveux d’or. Des cheveux d’or pur , pas des cheveux de cette
nuance paille pâle qui usurpe aujourd’hui le beau nom de l’or, des cheveux
d’un or comme tissé de rayon de soleil ou caché dans un ambre étrange, 
des cheveux qui encadraient son visage comme d’un nimbe de
sainte, avec quelque chose de la fascination d’une pécheresse.
C’était une curieuse étude psychologique que la sienne.

De bonne heure dans la vie, elle avait découvert cette importante vérité
que rien ne ressemble plus à l’innocence qu’une impudence, et, par
une série d’escapades insouciantes – la moitié d’entre elles tout à fait innocentes
–, elle avait acquis tous les privilèges d’une personnalité.
Elle avait plusieurs fois changé de mari. En effet, le Debrett portait
trois mariages à son crédit, mais comme elle n’avait jamais changé
d’amant, le monde avait depuis longtemps cessé de jaser scandaleusement
sur son compte.
Maintenant, elle avait quarante ans, pas d’enfant, et cette passion
désordonnée du plaisir qui est le secret de ceux qui sont restés jeunes.
Soudain, elle regarda curieusement tout autour du salon et dit de sa
claire voix de contralto :
– Où est mon chiromancien ?
– Votre quoi, Gladys ? s’exclama la duchesse avec un tressaillement
involontaire.
– Mon chiromancien, duchesse. Je ne puis vivre sans lui maintenant.
– Chère Gladys, vous êtes toujours si originale, murmura la duchesse,
essayant de se rappeler ce que c’est en réalité qu’un chiromancien et espérant
que ce n’était pas tout à fait la même chose qu’un chiropodist 2 .
– Il vient voir ma main régulièrement deux fois chaque semaine, poursuivit
lady Windermere, et il y prend beaucoup d’intérêt.
– Dieu du ciel ! se dit la duchesse. Ce doit être là quelque espèce de
manucure. Voilà qui est vraiment terrible ! Enfin j’espère qu’au moins
c’est un étranger. De la sorte, se sera un peu moins désagréable.
– Certes, il faut que je vous le présente.
– Me le présenter ! s’écria la duchesse. Vous voulez donc dire qu’il est
ici.
Elle chercha autour d’elle son petit éventail en écaille de tortue et son
très vieux châle de dentelle, comme pour être à fuir à la première alerte.
– Naturellement il est ici. Je ne puis songer à donner une réunion sans
lui. Il me dit que j’ai une main purement psychique et que si mon pouce
avait été un tant soit peu plus court, j’aurai été une pessimiste convaincue
et me serais enfermée dans un couvent.
– Oh ! je vois ! fit la duchesse qui se sentait très soulagée. Il dit la
bonne aventure, je suppose ?
– Et la mauvaise aussi, répondit lady Windermere, un tas de chose de
ce genre. L’année prochaine, par exemple, je courrais grand danger, à la
fois sur terre et sur mer. Ainsi il faut que je vive en ballon et que, chaque
soir, je fasse hisser mon dîner dans une corbeille. Tout cela est écrit là,
sur mon petit doigt ou sur la paume de ma main, je ne sais plus au juste.
– Mais sûrement, c’est là tenter la Providence, Gladys.
– Ma chère duchesse, à coup sûr la Providence peut résister aux tentations
par le temps qui court. Je pense que chacun devrait faire lire dans
sa main, une fois par mois, afin de savoir ce qu’il ne doit pas faire. Si personne
n’a l’obligeance d’aller chercher monsieur Podgers, je vais y aller
moi-même.
– Laissez-moi ce soin, lady Windermere, dit un jeune homme tout petit,
tout joli, qui se trouvait là et suivait la conversation avec un sourire
amusé.
– Merci beaucoup, lord Arthur ; mais je crains que vous ne le reconnaissiez
pas.
– S’il est aussi singulier que vous le dites, lady Windermere, je ne
pourrais guère le manquer. Dites seulement comment il est et, sur
l’heure, je vous l’amène.
– Soit ! Il n’a rien d’un chiromancien. Je veux dire qu’il n’a rien de
mystérieux, d’ésotérique, qu’il n’a pas une apparence romantique. C’est
un petit homme, gros, avec une tête comiquement chauve et de grandes
lunettes d’or, quelqu’un qui tient le milieu entre le médecin de famille et
l’attorney de village.
J’en suis aux regrets, mais ce n’est pas de ma faute.
Les gens sont si ennuyeux. Tous mes pianistes ont exactement l’air de
pianistes et tous mes poètes exactement l’air de poètes. Je m’en souviens,
la saison dernière, j’avais invité à dîner un épouvantable conspirateur,
un homme qui avait versé le sang d’une foule de gens, qui portait toujours
une cotte de mailles et avait un poignard caché dans la manche de
sa chemise. Eh bien ! sachez que quand il est arrivé, il avait simplement
la mine d’un bon vieux clergyman.
Toute la soirée, il fit pétiller ses bons mots. Certes, il fut très amusant et
bien de tous points, mais j’étais cruellement déçue. Quand je l’interrogeai
au sujet de sa cotte de mailles, il secontenta de rire et me dit qu’elle était
trop froide pour la porter en Angleterre…
Ah ! voici monsieur Podgers. Eh bien ! monsieur Podgers,
je voudrais que vous lisiez dans la main de la duchesse de Paisley…
Duchesse, voulez-vous enlever votre gant… non pas celui de la main
gauche… l’autre…
– Ma chère Gladys, vraiment je ne crois pas que ceci soit tout à fait
convenable, dit la duchesse en déboutonnant comme à regret un gant de
peau assez sale.
– Jamais rien de ce qui intéresse ne l’est, dit lady Windermere : on a fait
le monde ainsi  . Mais il faut que je vous présente, duchesse. Voici monsieur
Podgers, mon chiromancien favori ; monsieur Podgers, la duchesse
de Paisley… et si vous dites qu’elle a un mont de la lune plus développé
que le mien, je ne croirais plus en vous désormais.
– Je suis sûre, Gladys, qu’il n’y a rien de ce genre dans ma main, dit la
duchesse d’un ton grave.
– Votre Grâce est tout à fait dans le vrai, répliqua Mr Podgers en jetant
un coup d’oeil sur la petite main grassouillette aux doigts courts et carrés.
La montagne de la lune n’est pas développée. Cependant la ligne de vie
est excellente. Veuillez avoir l’obligeance de laisser fléchir le poignet… je
vous remercie… trois lignes distinctes sur la rascette .… vous vivrez jusqu’à
un âge avancée duchesse, et vous serez extrêmement heureuse…
Ambition très modérée, ligne de l’intelligence sans exagération, ligne du
coeur…
– Là-dessus soyez discret, monsieur Podgers, s’écria lady Windermere.
– Rien ne me serait plus agréable, répondit Mr Podgers en s’inclinant,
si la duchesse y avait donné lieu, mais j’ai le regret de dire que je vois
une grande constance d’affection combinée avec un sentiment très fort
du devoir.
– Veuillez continuer, monsieur Podgers, dit la duchesse dont le regard
marquait la satisfaction.
– L’économie n’est pas la moindre des vertus de Votre Grâce, poursuivit
Mr Podgers.
Lady Windermere éclata en rires convulsifs.
– L’économie est une excellente chose, remarqua la duchesse avec
complaisance. Quand j’ai épousé Paisley, il avait onze châteaux et pas
une maison convenable où l’on pût habiter.

– Et maintenant il a douze maisons et pas un seul château, s’écria lady
Windermere.
– Eh ! ma chère, dit la duchesse, j’aime…
– Le confort, reprit Mr Podgers, et les perfectionnements modernes, et
l’eau chaude amenée dans toutes les chambres. Votre Grâce a tout à fait
raison. Le confort est la seule chose que notre civilisation puisse nous
donner.
– Vous avez admirablement décrit le caractère de la duchesse, monsieur
Podgers. Maintenant veuillez nous dire celui de lady Flora.

Et pour répondre à un signe de tête de l’hôtesse souriante, une petite
jeune fille, aux cheveux roux d’Écossaise et aux omoplates très hauts, se
leva gauchement de dessus le canapé et exhiba une longue main osseuse
avec des doigts aplatis en spatule.
– Ah ! une pianiste, je vois ! dit Mr Podgers, une excellente pianiste et
peut être une musicienne hors ligne. Très réservée, très honnête et douée
d’un vif amour pour les bêtes.
– Voilà qui est tout à fait exact ! s’écria la duchesse se tournant vers lady
Windermere. Absolument exact. Flora élève deux douzaines de collies
à Macloskie et elle remplirait notre maison de ville d’une véritable
ménagerie si son père le lui permettait.
– Bon ! mais c’est justement là ce que je fais chez moi chaque jeudi soir,
riposta en riant lady Windermere. Seulement je préfère les lions aux
collies.
– C’est là votre seule erreur, lady Windermere, dit Mr Podgers avec un
salut pompeux.
– Si une femme ne peut rendre charmantes ses erreurs, ce n’est qu’une
femelle, répondit-elle… Mais il faut encore que vous nous lisiez dans
quelques mains… Venez, sir Thomas, montrez les vôtres à monsieur
Podgers.

Et un vieux monsieur d’allure fine, qui portait un veston blanc,
s’avança et tendit au chiromancien une main épaisse et rude avec un très
long doigt du milieu.
– Nature aventureuse ; dans le passé quatre longs voyages et un dans
l’avenir… Naufragé trois fois… Non deux fois seulement, mais en danger
de naufrage lors de votre prochain voyage. Conservateur acharné,
très ponctuel, ayant la passion des collections de curiosités. Une maladie
dangereuse entre la seizième et la dix-huitième année. A hérité d’une fortune
vers la trentième. Grande aversion pour les chats et les radicaux.
– Extraordinaire ! s’exclama sir Thomas. Vous devriez lire aussi dans
la main de ma femme.
– De votre seconde femme, dit tranquillement Mr Podgers qui conservait
toujours la main de sir Thomas dans la sienne.
Mais lady Marvel, femme d’aspect mélancolique, aux cheveux noirs et
aux cils de sentimentale, refusa nettement de laisser révéler son passé ou
son avenir.

Aucun des efforts de lady Windermere ne put non plus amener Mr de
Koloff, l’ambassadeur de Russie, à consentir même à retirer ses gants.
En réalité, bien des gens redoutaient d’affronter cet étrange petit home
au sourire stéréotypé, aux lunette d’or et aux yeux d’un brillant de perle,
et quand il dit à la pauvre lady Fermor, tout haut et devant tout le
monde, qu’elle se souciait fort peu de la musique, mais qu’elle raffolait
des musiciens, on estima, en général, que la chiromancie est une science
qu’il ne faut encourager qu’en tête à tête  .

Lord Arthur Savile, cependant,qui ne savait rien de la malheureuse histoire
de lady Fermor et quiavait suivi Mr Podgers avec un très grand intérêt,
avait une vive curiosité de le voir lire dans sa main.
Comme il éprouvait quelque pudeur à se mettre en avant, il traversa la
pièce et s’approcha de l’endroit où lady Windermere était assise et, avec
une rougeur, qui était un charme, lui demanda si elle pensait que Mr
Podgers voudrait bien s’occuper de lui.

– Certes oui, il s’occupera de vous, fit lady Windermere. C’est pour cela
qu’il est ici. Tous mes lions, lord Arthur, sont des lions en représentation.
Ils sautent dans des cerceaux, quand je leur demande. Mais il faut
auparavant que je vous prévienne que je dirai tout à Sybil. Elle vient luncher
avec moi demain pour causer chapeaux, et si Mr Podgers trouve
que vous avez un mauvais caractère ou une tendance à la goutte, ou une
femme qui vit à Bayswater , certainement je ne le lui laisserai pas
ignorer.
Lord Arthur sourit et hocha la tête.
– Je ne suis pas effrayé, répondit-il, Sybil me connaît aussi bien que je
la connais.
– Ah ! je suis un peu contrariée de vous entendre dire cela. La
meilleure assise du mariage, c’est un malentendu mutuel… non, je ne
suis pas du tout cynique. J’ai seulement de l’expérience, ce qui, cependant,
est très souvent la même chose… Mr Podgers, lord Arthur Savile
meurt d’envie que vous lisiez dans sa main. Ne lui dites pas qu’il est
fiancé à l’une des plus jolies filles de Londres : il y a un mois que le Morning
Post en a publié la nouvelle.
– Chère lady Windermere, s’écria la marquise de Jedburgh, ayez
l’obligeance de laisser monsieur Podgers s’arrêter ici une minute de plus.
Il est en train de me dire que je monterai sur les planches et cela
m’intéresse au plus au point.
– S’il vous a dit cela, lady Jedburgh, je ne vais pas hésiter à vous
l’enlever. Venez immédiatement, monsieur Podgers, et lisez dans la main
de lord Arthur.
– Bon ! dit lady Jedburgh faisant une petite moue, comme elle se levait
du canapé, s’il ne m’est pas permis de monter sur les planches, il me sera
au moins permis d’assister au spectacle, j’espère.
– Naturellement. Nous allons tous assister à la séance, répliqua lady
Windermere. Et maintenant, monsieur Podgers, reprenez-nous et ditesnous
quelque chose de joli, lord Arthur est un de mes plus chers favoris.

Mais quand Mr Podgers vit la main de lord Arthur, il devint étrangement
pâle et ne souffla mot.
Un frisson sembla passer sur lui. Ses grands sourcils broussailleux
furent saisis d’un tremblement convulsif du tic bizarre, irritant, qui le dominait
quand il était embarrassé.
Alors, quelques grosses gouttes de sueur perlèrent sur son front jaune,
comme une rosée empoisonnée, et ses doigts gras devinrent froids et
visqueux.
Lord Arthur ne manqua pas de remarquer ces étranges signes
d’agitation et, pour la première fois de sa vie, il éprouva de la peur. Son
mouvement naturel fut de se sauver du salon, mais il se contint.
Il valait mieux connaître le pire, quel qu’il fût, que de demeurer dans
cette affreuse incertitude.
– J’attends, monsieur Podgers, dit-il.
– Nous attendons tous, cria lady Windermere de son ton vif,
impatient.
Mais le chiromancien ne répondit pas.
– Je crois qu’Arthur va monter sur les planches, dit lady Jedburgh, et
qu’après votre sortie, monsieur Podgers a peur de le lui dire.

Soudain Mr Podgers laissa tomber la main droite de lord Arthur et
empoigna fortement la gauche, se courbant si bas pour l’examiner que la
monture d’or de ses lunettes sembla presque effleurer la paume.
Un moment, son visage devint un masque blanc d’horreur, mais il recouvra
bientôt son sang froid  et, regardant lady Windermere, lui dit
avec un sourire forcé :
– C’est la main d’un charmant jeune homme.
– Certes oui, répondit lady Windermere, mais sera-t-il un mari charmant
? Voilà ce que j’ai besoin de savoir.
– Tous les jeunes gens charmants sont des maris charmants, reprit Mr
Podgers.
– Je ne crois pas qu’un mari doive être trop séduisant, murmura lady
Jedburgh, d’un air pensif. C’est si dangereux.
– Ma chère enfant, ils ne sont jamais trop séduisant, s’écria lady Windermere.
Mais ce qu’il faut ce sont des détails. Il n’y a que les détails qui
intéressent. Que doit-il arriver à lord Arthur ?
– Eh bien ! Dans quelques jours lord Arthur doit faire un voyage.
– Oui, sa lune de miel naturellement.
– Et il perdra un parent.
– Pas sa soeur, j’espère, dit lady Jedburgh d’un ton apitoyé.
– Certes non, pas sa soeur, répondit Mr Podgers avec un geste de dépréciation
de la main, un simple parent éloigné.
– Bon ! je suis cruellement désappointée, fit lady Windermere. Je n’ai
absolument rien à dire à Sybil demain. Qui se préoccupe aujourd’hui de
parent éloigné ? Voilà des années que ce n’est plus la mode.

Cependant,je suppose qu’elle fera bien d’acheter une robe de soie noire :
cela serttoujours pour l’église, voyez-vous. Et maintenant, allons souper.
On asûrement tout mangé là-bas, mais nous pourrons encore trouver du
bouillon chaud. François faisait autrefois du bouillon excellent, mais
maintenant il est si agité par la politique que je ne suis jamais certaine de
rien avec lui. Je voudrais bien que le général Boulanger se tînt tranquille…
Duchesse, je suis sûre que vous êtes fatiguée !
– Pas du tout, ma chère Gladys, répondit la duchesse en marchant vers
la porte, je me suis beaucoup amusée et le chiropodist, je veux dire le chiromancien,
est très amusant. Flora, où peut être mon éventail d’écaille de 
tortue ?… Oh ! merci, sir Thomas, merci beaucoup !… Et mon châle de
dentelle ?… Oh merci, sir Thomas, trop aimable vraiment !
Et la digne créature finit par descendre les escaliers sans avoir laissé
plus de deux fois tomber son flacon d’odeur.

Tout ce temps-là, lord Arthur Savile était demeuré debout près de la
cheminée avec le même sentiment de frayeur qui pesait sur lui, la même
maladive préoccupation d’un avenir mauvais.
Il sourit tristement à sa soeur comme elle glissa près de lui au bras de
lord Plymdale, fort jolie dans son brocard rose garni de perles, et il entendit
à peine lady Windermere, quand elle l’invita à la suivre. Il pensa à
Sybil Merton et l’idée que quelque chose pourrait se placer entre eux
remplit ses yeux de larmes.

Quelqu’un qui l’aurait regardé eût dit que Némésis avait dérobé le
bouclier de Pallas et lui avait montré la tête de la Gorgone. Il paraissait
pétrifié et son visage avait l’aspect d’un marbre dans sa mélancolie.
Il avait vécu la vie délicate et luxueuse d’un jeune homme bien né et
riche, une vie exquise affranchie de tous soucis avilissant, une vie d’une
belle insouciance  d’enfant, et maintenant, pour la première fois, il eut
conscience du terrible mystère de la destinée, de l’effrayante idée du sort.
Que tout cela lui semblait fou et monstrueux !

Se pouvait-il que ce qui était écrit dans sa main, en caractère qu’il ne
pouvait lire mais qu’un autre pouvait déchiffrer, fût quelque terrible secret
de faute, quelque sanglant signe de crime !
N’y avait-il nulle échappatoire ?
Ne sommes-nous que des pions d’échiquier que met en jeu une puissance
invisible, que des vases que le potier modèle à sa guise pour
l’honneur où la honte ?
Sa raison se révolta contre cette pensée et pourtant il sentait que
quelque tragédie était suspendue sur sa tête et qu’il avait été tout d’un
coup appelé à porter un fardeau intolérable.
Les acteurs sont vraiment des gens heureux ; ils peuvent choisir de
jouer soit la tragédie soit la comédie, de souffrir ou d’égayer, de faire rire
ou de faire pleurer. Mais dans la vie réelle, c’est différent.

Bien des hommes et bien des femmes sont contraints de jouer des rôles
auxquels rien ne les destinait. Nos Guildensterns nous jouent Hamlet et
notre Hamlet doit plaisanter comme un prince Hal.

Le monde est un théâtre, mais la pièce est déplorablement distribuée.
Soudain Mr Podgers entra dans le salon.
À la vue de lord Arthur, il s’arrêta et sa grasse figure sans distinction
devint d’une couleur jaune verdâtre. Les yeux des deux hommes se rencontrèrent
et il y eut un moment de silence.
– La duchesse a laissé ici un de ses gants, lord Arthur, et elle m’a demandé
de le lui rapporter, dit enfin Mr Podgers. Ah ! je le vois sur le canapé
!… Bonsoir !
– Monsieur Podgers, il faut que j’insiste pour que vous me donniez
une réponse immédiate à une question que je vais vous poser.
– À un autre moment, lord Arthur. La duchesse m’attend. Il faut que je
la rejoigne.
– Vous n’irez pas. La duchesse n’est pas si pressée.
– Les dames n’ont pas l’habitude d’attendre, dit Mr Podgers avec un
sourire maladif. Le beau sexe est toujours impatient.
Les lèvres fines, et comme ciselées, de lord Arthur se plissèrent d’un
dédain hautain.
La pauvre duchesse lui semblait de si maigre importance en ce
moment.
Il traversa le salon et vint à l’endroit où Mr Podgers était arrêté.
Il lui tendit la main.
– Dites-moi ce que vous voyez là. Dites moi la vérité. Je veux la
connaître. Je ne suis pas un enfant.
Les yeux de Mr Podgers clignotèrent sous ses lunettes d’or. Il se porta
d’un air gêné d’un pied sur l’autre, tandis que ses doigts jouaient nerveusement
avec une chaîne de montre étincelante.
– Qu’est-ce qui vous fait penser que j’ai vu dans votre main, lord Arthur,
quelque chose de plus que ce que je vous ai dit ?
– Je sais que vous avez vu quelque chose de plus et j’insiste pour que
vous me le disiez ce que c’est. Je vous donnerai un chèque de cent livres.
Les yeux verts étincelèrent une minute, puis redevinrent sombres.
– Cent guinées ! fit enfin Mr Podgers à voix basse.
– Oui, cent guinées. Je vous enverrai un chèque demain. Quel est votre
club ?
– Je n’ai pas de club. C’est-à-dire je n’en ai pas en ce moment, mais
mon adresse est… 
Permettez-moi de vous donner ma carte.
Et tirant de la poche de veston un morceau de carton doré sur tranche,
Mr Podgers le tendit avec un salut profond à lord Arthur qui lut :
MR SEPTIMUS R PODGERS
CHIROMANCIEN
103 a West Moon street
– Je reçois de 10 à 4, murmura Mr Podgers d’un ton mécanique, et je
fais une réduction pour les familles.
– Dépêchez-vous ! cria lord Arthur devenant très pâle et lui tendant la
main.
Mr Podgers regarda autour de lui d’un coup d’oeil nerveux et fit retomber
la lourde portière sur la porte.
– Ceci prendra un peu de temps, lord Arthur. Vous feriez mieux de
vous asseoir.
– Dépêchez, monsieur, cria de nouveau lord Arthur frappant du pied
avec colère sur le parquet ciré.

Mr Podgers sourit, sortit de sa poche une petite loupe à verre grossissant
et l’essuya soigneusement avec son mouchoir.
– Je suis tout à fait prêt, dit-il.



La suite sur : http://www.ebooksgratuits.com

Juge Bao , la série aux éditions Fei

L’histoire est celle d’un grand nom de la culture populaire chinoise, celle de l’incorruptible Juge Bao; personnage historique énormément connu en Chine mais dont les exploits ne sont jamais vraiment parvenu à passer les frontières de l'occident. Les éditions Fei , toute jeune maison d'édition créee par des passionnés de culture chinoise comble cette lacune.
 En temps qu'enquêteur et justicier ,Ce juge fit trembler jusqu’aux nobles se croyant intouchables, il est à la fois Guillaume de Baskerville, frère Cadfaël ou Eliott Ness pour ne citer que ceux-là.

Le premier volume du Juge Bao, fruit de la collaboration du dessinateur chinois Chongrui Nie et du scénariste français Patrick Marty, est disponible en librairie depuis le début de l'année. Le deuxième opus quant à lui vient de paraitre début Avril. La série comptera  a terme neuf volumes au total.

Accompagné par ses assistants et escorté par ses gardes du corps, le renommé Juge Bao parcourt la Chine et s’arrête ici ou là au gré des affaires qui nécessitent les compétences de son tribunal nomade.
La troupe arrive dans une préfecture du Nord-Est de l’Empire et ils y découvrent une population sous le joug d’un groupe de notables corrompus, menés par un jeune homme à l’ambition dévorante.  Ayant su s’attirer les bonnes grâces d’un préfet aveuglé par son rêve de construire une cité nouvelle, ce dernier est prêt à tout pour s’enrichir et accéder aux plus hautes sphères du pouvoir.
Chantages, menaces et meurtres s’abattent sur les populations que le criminel aux dents longues et ses complices de notables s’emploient à expulser des bas quartiers pour y spéculer et y réaliser des plus values astronomiques. Pour parfaire cette combine bien rodée, ils bénéficient de la complicité du magistrat local qui emprisonne arbitrairement quiconque se met en travers de leur route.
C’est dans un de ces cachots que croupit un autre jeune homme dont l’avenir brillant s’est brutalement obscurci trois ans plus tôt, et qui attend d’être mis à mort pour un crime qu’il dit n’avoir pas commis… Bao est appelé au chevet d’une mourante qui lui raconte l’histoire de son fils, Chao Dong, emprisonné à tort et pour qui la sentence ultime n’a été jusque là repoussée que par des pots de vin que consentait à verser la vieille femme qui n’allait bientôt plus pouvoir le faire, une fois décédée...

Juge Bao va promettre de tirer l’affaire au clair. Réussissant par un stratagème bien préparé à approcher dans se cellule l’homme à innocenter, il va obtenir de lui des indices qui lui permettront de trouver des pistes à suivre dans cette affaire où corruption, meurtres, ambition et enrichissement personnels de notables locaux seront au programme...

Si elle est dessinée par un auteur chinois, elle est, c’est à noter, scénarisée par un Français pur souche, Patrick Marty. La série paraît dans un format italien ( c'est a dire demi A4 horizontale) donnant comme première impression que la lecture sera rapide ; impression fausse, vous en ferez l’expérience !

Cette série a toutes les qualités pour fidéliser les lecteurs ; le dessin réaliste y est de qualité,aussi fouillé qu'une véritable lithographie.
Le dessin de Chongrui Nie (La belle du temple hanté, éditions Xiao Pan) est vraiment d’excellente qualité. En noir et blanc, il tire sa force de la maîtrise que montre l’auteur à faire cohabiter des zones noircies par l’encre (dessinées classiquement, dira-t-on) avec d’autres zones, encrées puis ayant subi ensuite le grattage, voyant ainsi réapparaître le blanc de la feuille.C’est superbe, et les a priori qu’auront peut-être ceux qui n’apprécient que la BD franco-Belge s’estomperont forcément devant le rendu final de ces planches.

C'est aussi un polar exotique comme je les aime , et surtout l'histoire repose sur des faits historiques réels...Ce n'est pas sans rappeler les romans des soeurs Tran Nhut( le temple de la grue écarlate , la poudre noire de maître Hu, que je conseille fortement aux amoureux de policiers historiques. Ca et là évolue des personnages aux caractères entiers et plein de justesse et ou le pittoresque rencontre poésie et sagesse gràce à une écriture riche et vraie.

Un grand bravo aux auteurs et aux toutes jeunes et bien inspirées éditions Fei





Planches choisies :

Qui a tué Glenn de Leonie Swann



Sur une pâture de la verte Irlande, le berger George Glenn est retrouvé assassiné, mais personne dans le pays n'est capable de découvrir son meurtrier.
L'enquête piétine...rame même .Les premiers à se trouver sur les lieux sont... ses moutons. Alors son troupeau prend les choses en main.
Des moutons pas comme les autres, parce que Glenn aimait et éduquait ses bêtes. Aussi sont-elles plus malignes que les habitants du village de Glennkill. Le troupeau orphelin va donc confier la direction de l'enquête à la vieille brebis Miss Maple...

Ces moutons-détectives ont en commun le désir de s'élever au-dessus de leur condition et de surmonter l'affligeant handicap qui les oblige à s'arrêter de penser plusieurs fois par jour pour se remplir l'estomac.
Aux côtés de Sir Ritchfield (le doyen), d'Othello (un bélier noir au passé mystérieux) et de Zora (une brebis philosophe et alpiniste qui aime à flirter avec les abîmes), Miss Maple, la plus sage d'entre tous, s'arroge la direction de l'enquête.

Un livre tout à fait distrayant et agréable à lire, où l'on découvre les agissements des habitants d'un village par les yeux des moutons qui en décortiquent toutes les incohérences.
Il y a beaucoup d'humour, de poésie et même un zeste de sagesse.
Amusant, le point de vue des moutons sur les hommes (on découvre que tout est relatif, notre intelligence, notre âme…) .On s'amusera donc beaucoup à suivre les tergiversations de nos amis laineux et leurs déductions qui se font selon leur propres repères ovins.
On sourit sur leur pensées, les priorités, leurs rêves, leur point de vue sur les hommes qu'ils pensent être des êtres stupides, puisqu'ils ont une petite âme et que comme tous les moutons le savent, l'âme est une question d'odorat et les humains ont un nez pas du tout développé
La qualité de ce récit tient dans le juste compromis entre réalités ovines et anthropomorphisme. En d'autres termes, Leonie Swann a essayé de garder des réflexions ovines face aux incidents que les moutons peuvent rencontrer. Les termes employés et les quiproquos sont donc nombreux et fort amusants, notamment en ce qui concerne le prêtre qui parle de ses agneaux et de la maison de Dieu ...

Le scénario est suffisamment bien conçu pour distiller des indices tout au long du roman et ne laisse reconstituer le puzzle qu'à la fin du livre.
Même s'il n'arrivent pas résoudre complètement l'énigme, ils y concourent et leurs talents théâtraux sont impressionnants !
L'intrigue policière n'est pas le plus intéressant ici (car pas le plus réussie), faisant plus office de fil conducteur à l'histoire qu'autre chose

A noter une intrigante couverture pour l'édition broché (grand format) .Car c'est pas tous les jours qu'on voit un mouton vraiment tout doux, sur une couverture (avec de la vraie laine )

Best-seller en Allemagne et en Italie, Qui a tué Glenn ? est l'un des romans les plus farfelus et les plus imaginatifs publiés ces dernières années.
On est facilement conquis par cet OVNI dans le monde du polar.
Un vrai grand moment de plaisir qui n'est pas sans rappeler ( trés fortement...) les moutons de f'murr et sa série du génie des alpages ( en beaucoup cyniques et caustique je vous l'accorde) Mais l'auteure en fait certainement un clin d'oeil malicieux puisque comme lui, elle attribue une compétence et son lot de mystère à chaque mouton du troupeau.

c'est drôle frais, simple un peu mais ce laisse lire avec délectation... c'est empreint de poésie de douceur...
c'est surprenant comme écriture et se mettre dans la peau du mouton c'est une belle idée d'écriture...
Une livre qu'on pourrait aussi conseiller comme livre de chevet aux jeunes ados.



Quelques extraits :
"- Ecoute, petit brouteur, écoute moi bien, avec tes oreilles bien faites, avec tes yeux, avec tes cornes qui vont encore grandir, avec ton nez, ta tête et ton coeur.
L'agneau ouvrit même la bouche pour écouter encore mieux."

"- Vous savez peut-être comment on va au ciel ? s'enquit-elle.
- Il doit bien y avoir un moyen. car enfin, nous voyons tous des mouton-nuages. Mais comment faire ? Y a-t-il un endroit d'où l'on peut monter jusque dans le ciel ? Ou faut-il avancer et brouter dans le vide ?

Un tueur sur la route de James Ellroy



L’histoire est glauque et violente. Le personnage principal haïssable au possible.Il nous reste de cette lecture une impression très désagréable.

Martin Plunkett, est un jeune Californien, bel homme bien bâti élevé aux steaks ,cornflakes et cookies.
Or, plutôt que de jouer dans l’équipe de football et de draguer la pom-pom girl , Martin, lui préfére s'identifier à Super Saigneur, le serial killer…le héros des comics de son enfance...un peu kitch et version bad boy, un personnage qui aime le sang et le sexe…[Photo]
C'est aussi celui qui permet à Martin d’échapper à sa folie intérieure, celle qui le rend malade et le tourmente. En se faisant connaitre à la face du monde comme Super Saigneur, Martin croit qu’il va se trouver et se sentir mieux. Oublier des traumas d’enfance (surtout un... avoir un peu aidé sa mère à mourir) et une homosexualité refoulée.

On suit ici les errances de Plunkett sur prés de 10ans , sur une route pavée de mauvaises intentions.
Il raconte, du fond de sa cellule dont il sait qu'il ne sortira pas, sa route macabre. Les autorités l'accusent de quatre meurtres, mais pensent que le chiffre le plus vraisemblable est de plus de trente. La série de meurtres s'échelonne entre 1974 et 1984.
Au hasard des tueries, il tue un homme dans le Wisconsin et se retrouve accusé du viol et du meurtre de deux adolescentes. C'est là que l'histoire prendra une tournure dramatique ( enfin ..pour plunkett ) .Emprisonné, il rencontre le sergent Ross Anderson qui se révèle etre le véritable tueur et violeur de ces  jeunes filles.
Le policier par la menace de dévoiler les secrets de Martin, le mets dans la confidence et lui fait découvrir son homosexualité latente.
Il le laisse partir, mais garde des preuves contre lui, et déclare : "Lis les nouvelles, on va parler de moi".
Puis par une suite d'articles de journaux et de rapports de police, nous suivons leurs cheminements meurtriers. Ils se retrouveront et deviendront réellement amants, mais leurs folles équipées prendront fin à quelques jours d'intervalles.

Plunkett est un personnage qui reste sombre et à la logique nébuleuse. On soupçonne un  problème d’identité sexuelle, une volonté de se trouver en tant que personne, une défaillance psychique (avec l’exemple des petits films intérieurs qui occupent tout son temps d’enfance et d’adolescence)…

 L’écriture alterne entre confession du tueur depuis sa prison, articles de journaux, rapports de police et extraits du journal intime d’un flic du FBI.
Le récit est alors au plus prés de la véracité. C’est très prenant  aussi comme position pour le lecteur ,car avec ce choix d’écriture, on se sent du côté de Plunkett et de son ego démesuré, quand on lit les articles.
"Un tueur sur la route" est devenu une des références majeures des écoles de formation de policiers tant il décrit avec précision la psychologie de la majeure partie des tueurs en série.

Ellroy, est un géant du thriller américain mais avant tout c'est une gueule tout droit sortie de l'un de ses livres : crâne rasé, lunettes rondes de fouineur méticuleux, regard fatigué de celui qui dissèque les perversions humaines depuis trop longtemps. Et un palmarès qui fait de cet auteur de polars l'un des grands noms de la littérature américaine contemporaine : "Le Dahlia noir" (1987), "L.A. Confidential" (1990), "American Tabloïd" (1995), "American Death Trip" (2001)...
A lire absolument


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