Antichrist de Lars Von Trier
Cela n'arrive qu'une fois par décennie, un film si difficile, si beau et si controversé - "Antichrist" ne déçoit pas et c'est sans conteste l'œuvre la plus problématique, impénétrable, choquante et dérangeante de Lars Von Trier.
Un mélange de Breaking the waves et de Dogville mais sur fond de règlement de compte entre un homme et une femme dont le couple était céllé par l'enfant et qui s'éffrite inéxorablement à la mort de celui-ci.
Antichrist est un film d'horreur au sens propre du terme , pimenté de sexe et tourné comme un polar nordique.
Difficile donc a classer , Thriller mystique ou sexuel, Psychothérapie et rédemption thérapeutique, ou film d'horreur voyeuriste ? Antichrist est un film de genre : tous les éléments du film d’angoisse, d’horreur, y sont transfigurés, ménageant un suspense et une angoisse englobant totalement les personnages. Mais des personnages qui rassemblent les éléments caractéristiques qu'on retrouve dans les polars, victime et bourreau s'entrecroisant dans un huit-clos
Un couple ( Dafoe et Gainsbourg) fait l'amour sous la douche, silencieusement mais furieusement. L'enfant sort du lit. Les flocons de neige commencent à tomber et rentrent par une fenêtre ouverte. Curieux, le garçon atteint la fenêtre mais laisse tomber son ours en peluche par l' extérieur. Il tente de le rattraper et se défenestre. Suivant la chute du garçon au ralenti, Von trier coupe sur un gros plan du visage de Gainsbourg au moment ou elle atteint l'orgasme, puis sur Dafoe La tension retombe et le prologue se termine par un plan large de l'enfant s'écrasant sur le parking couvert de neige, suivi de son ours en peluche.
Incroyablement touchée par la culpabilité , la femme sombre , tandis que l'homme est tellement dans le deni qu'il en devient d'une certaine manière si fermé que c'en est choquant.
Il est psychothérapeute, et tente d'aider sa femme ( même s'il ne devrait pas) à surmonter l'atrocité de ces événements , dans un premièr temps la prise d' antidépresseurs. Puis par l'isolement partagé pour tenter de sauver , ensemble , ce qu'il reste de leur mariage. Ils s'enferment dans une cabane dans la forêt , dans un lieu emplis de souvenirs , où elle et leur fils ont passé beaucoup de temps ensemble.
Pourquoi un tel titre , Antichrist ? Il est réducteur d’y lire une association définitive entre le Diable et la femme. D’abord parce que le personnage de Charlotte Gainsbourg, tel qu’il est présenté n’est pas une femme névrosée par nature, mais qui tombe malade. Ensuite, parce que le personnage joué par Willem Dafoe est assez insupportable. De lui, on ne lui voit que peu d’émotions humaines. Il est avant tout le thérapeute, apportant des réponses à toutes les angoisses et expérimentant toutes sortes d’exercices sur sa propre femme. Pour le spectateur, il est le sociopathe ,dépourvu de sensibilité.
La femme sombre dans un état de démence , la transformant en furie ; son mari la traite par une technique comportementaliste discutable ,qui confine au sadisme. Leur relation qui oscille entre rationalité et pulsion , déraison et désespoir va tourner court, et finir mal. La douleur, Lars von Trier la traduira par la haine, la femme brutalisera son mari .
Pour Von Trier c'est elle le bourreau , et lui , la victime : elle ira jusqu'a le castrer.
La femme est-elle réellement l’antéchrist ? Que signifie l’épilogue, où l’on voit Willem Dafoe auréolé d’une lumière christique, jusqu’à l’ultime scène où une myriade de femmes aux visages aveugles remonte la forêt ?
Et Von Trier, avec son esprit torturé et tortueux, orchestre avec brio un chaos, une chute vers l'horreur prévisible , ce qui est d'autant déconcertant. Certaines scènes vous feront détourner le regard, d'autres vous feront couvrir vos oreilles.
Le jeu des acteurs de ce film est au-delà du perfectionnement. Charlotte Gainsbourg obtiendra le prix de la meilleure interpréte féminine à Cannes et elle l' a mérité haut la main tant son jeu est criant de vérité et transcende la douleur émotionnelle de son personnage. Dafoe offre comme d'habitude un jeu parfait, mais c'est ,cette fois, la meilleure performance qu'il offre.
Ce film est important à de nombreux niveaux différents, c'est de l' art brut , ce qui est rare au cinéma et qui devrait être étudié image par image tant il est complexe ( à la manière d'un Lynch ).
Mais attention à ne pas mettre au regard d'âmes sensibles ou dépressives .Ce film contient des scènes qui comptent parmi les plus choquantes et les plus crues que je n'ai jamais vues.
Un chef d'oeuvre tirant jusqu' au bout de l’écœurement et une descente aux Enfers qui pousse le spectateur dans ses retranchements tant Lars von Trier explore l' obsession castratrice de la façon la plus stricte, la plus littérale.
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